L'an 2000
J'étais boursière à Paris lorsque j'écrivis ce texte, très enfantin et très naïf - je le reconnais - mais c'est la femme-enfant qui parle là...
A quelques semaines du nouveau millénaire, par une froide nuit d'hiver et bien au chaud dans ma chambre de Maisons Alfort, je laissai ma plume exprimer mes appréhensions vis-à-vis de ces trois zéros que je ne parvenais pas à apprivoiser...
(N.B. L'absence de ponctuation est voulue. Oui oui je me prenais pour Apollinaire!!! lol)
Combien de fois
Dans mon enfance
J'ai rêvé de l'an 2000
Ces trois zéros m'étonnaient
Et m'épouvantaient
A l'école on nous avait dit
Que l'an 2000
Serait une nouvelle ère
Comment si ces trois zéros
Pourraient anéantir le Passé
Et l'on recommencerait à compter
2001 2002 2003
Et les siècles antérieurs
Ne seraient que des lambeaux
Dans l'histoire de l'Humanité
Mais l'an 2000
L'an 2000
L'an 2000 nous apporterait
Tout le confort qu'on n'avait pas
Et que l'on ne pouvait même pas imaginer
Et puis le soir
Dans mon lit
Je songeais à l'an 2000
L'an 2000
2000
Je revoyais ces trois zéros
Et je me sentais seule
Vide
J'imaginais une lumière blafarde
Voilant une immense fosse
Et lorsque je tentais de me persuader
Que quelque part
Au delà de cette fosse
Il y avait le Nouveau Monde
Je me sentais plus seule que jamais
J'aurais voulu courir de toutes mes forces
Aller retrouver Mon siècle
Et me jeter dans ses bras
J'aurais voulu lui dire
Que je l'aimais
Que je ne le laisserai pas mourir
Que je le défendrai contre ce putain de tic tac
Contre les assauts du temps
Et contre tous les zéros de l'univers
J'aurais voulu l'embrasser
Pour le rassurer
Pour me rassurer moi-même
Pour m'imprégner de son parfum
De sa chaleur
De son mille neuf-cents
Si familier
Si cher
Si Moi
Nous sommes à quelques semaines de l'an 2000
Rien n'a vraiment changé
Mais les gens croient que
Le jour de l'An
Quand l'horloge aura sonné Minuit
Et comme par un coup de baguette
Les murs se transformeront
Les ailes des oiseaux deviendront d'acier
Et de toutes parts
Des électrons jailliront
Moi j'attendrai
Et le lendemain
Lorsque je me serai réveillée
Dans mon lit bien chaud
Et qu'en ouvrant la fenêtre
Je verrai
Les oiseaux voler
Le soleil briller
La pluie tomber
Le monde chanter
Je ne pourrai retenir un sourire
Ni peut-être une larme d'émoi
Parce que mon siècle et moi
Aurons gagné
(Y. S. décembre 1999)